LES VOIX DU VOYAGE
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Pour traverser l'espace d’une
toile, il faut deux moteurs:
l’inspiration et l'intention.
Cette dualité
entre le corps et l’esprit oblige au choix d’un mode d’expression.
Entre sensation et
illumination il y a une énergie qui révèle un vocabulaire adapté. Cette
découverte est essentielle. Elle me permet de peindre, de donner vie et corps à
ce que nul autre que moi perçois et tout autre peintre entrevoit, mais
différemment.
Tel est le moteur et l’essence
de mes moments de peintre pour ma présence dans mon atelier.
Notre corps va user de ses
propres gestuelles et ses pouvoirs de transformation de la matière pour laisser
à l'esprit ses droits de projeter cette part du “moi” vers les autres par
l'image et sa matière.
Tout cet effort pour dire des
phénomènes, évoquer des formes ou volumes et offrir un voyage des sens et de
l'esprit.
Le rôle de l’auteur est une alternance
du besoin au désir dans une incarnation de l’œuvre.
Les formes sont là tantôt pour
exploiter la fluidité des éléments naturels visibles ou invisibles, tantôt pour
marquer les rythmes et séquences entre vides et pleins.
La
hauteur et la largeur limitatives de l'œuvre picturale peuvent enfler sous la
pression de cet irrésistible besoin de rejoindre le spectateur face à l’œuvre. Pour
un partage de cette alchimie d’intention et de perception de l’Artiste. Rien de
plus sensuel que la tentative de rejoindre l’espace environnant de l’œuvre par
un étirement de son espace propre !
Le
peintre use de la modulation de la forme par son excroissance et le volume par
sa place en subtile démesure dans l’œuvre. Elle rappelle ainsi que tout est
mouvement de façon aléatoire et parfaitement impermanente.
La
danse des lissages et des rugosités des masses et des creux alterne les
séquences mornes du dessin avec celles vivantes de la forme et du volume. Invasion
de l’espace, le vide, spectateur, vous devenez une part de l’espace pictural du peintre.
Le
partage commence là et bien avant, dans l’intention cachée au fond d’une
atelier, il y a un auteur, un chercheur acharné à traduire ce qu’il trouve et
ne peut retenir. Partage d’un être avec son pays d’origine, sa terre aussi en une
sorte d’absence devenue lisible.
Je
suis native du Maroc à Casablanca. J’en ai bien sûr gardé l’exubérance des
partages. Mais encore le goût des replis vers chaque monde ou communauté. Pour
des saveurs de l’esprit et des couleurs d’humanité variables et riches j ai
aimé cela. Mélodie des voix, des sons, musicalité et saveurs des fruits de la
terre qui ont ancré en moi un goût du mixage des genres et des moyens
d’expression. Ainsi rejointe par mes origines Espagnoles la couleur et ses
excès forcèrent la transhumance.
De
cette provenance j’ai gardé des femmes et hommes, ombres et lumières, eaux et
terres, yin-yang repositionnés et alliés pour une parfaite polarité. Ainsi à
chaque œuvre depuis les premières toiles de peintre à 13 ans jusqu'à la
rencontre d’un homme des déserts aux phrases empreinte de lumière ma quête fut
l’harmonie par le pluriel.
Dans
mes « moments d’orient » de l’enfance à l’adolescence il y eut cette
abstraction de la découverte et le confort de ce qui est beau et bon. Ma
peinture est aussi empreinte de ce voisinage des genres. Celui connu par l’enfant
découvrant ses mondes sans jamais douter qu’elle appartient à chacun d’eux. Spiritualité
de cette enfance vierge de tout apriori. Telles mes œuvres écartelées entre
abstraction et réalisme et formant par ces deux vocabulaires un ensemble
réunifié cohérent, originel et légitime par la composition qu’il propose. Former
un Tout. L’appartenance et l’identité en moteur. Etre pluriel.
Cela
me permit dès l’adolescence de quitter le Maroc pour Paris et donc la France et
d’aborder la transformation globale.
La matière ne me suffisait plus à
satisfaire mes besoins de fédérer autour d’un moment et d’une vision :
celle du créateur du designer. Toucher les homme et les femmes par le biais de
la plus douce et irréversibles des armes: l’émotion allait devenir mon
ouvrage.
J’expérimentai
moi même cette nature plus tard : chercher et comprendre le pouvoir de
choisir et d’ancrer espaces et objets dans un décor. Mode opératoire du
créateur dans son voyage vers l’œuvre. La cité: Paris et ses âmes…
C’est
alors que livrer mes découvertes sur le lien corps-esprit donna un sens à l’arrêt
de cette utilisation exacerbée de la couleur pour une pacification de mon travail.
J’ai pu enfin me libérer de sa présence expressive et théâtrale et découvrir la présence et la vibration.
Le
noir et le blanc furent les révélateurs de l’intention et permirent une
clarification des mécanismes de mon inspiration. Je découvre aussi l’addiction
à la lumière et la matière pour un nouveau voyage des sens. Cette part
invisible est pourtant connue de tous : l’énergie sacrée qui vient
d’ailleurs et pourtant se manifeste par l’œuvre une fois achevée.
Avant
cela rien n’est manifesté ou localisé sur ce petit espace perdu au milieu de l
univers ! C’est l’œuvre à devenir.
Le
peintre, lui, sait qu’il va devenir acteur de l’espace auquel il participera et il sera relié à l’univers et le monde. Notre regard relie les choses et les
êtres. L’œuvre aussi.
Un
homme me dit un jour : « vous avez la grâce il vous manque le
verbe » pour comprendre ces mots je plongeais dans un travail avec des
spécialistes du comportement humain qui me permit de saisir que tout est
parfait et par cette Grâce d’amener les autres à ce même constat à travers l’Arthérapie
C’est
aussi la réunion du vécu et de chaque « moment présent » pour une
inspiration quotidienne. Lien virtuel avec le tout. Nous sommes tous uniques et
méritons le plus efficient des modes d’expression : celui du corps et de l
esprit enfin réunis.
En
un magique « pas de deux » l ‘Art en est la genèse et la
révélation.